Rethinking Photography: Presence/Absence, Visible/Invisible
Dans le cadre du Festival du Mois Européen de la Photographie (EMOP)
Lieu : Espace d'exposition Ratskeller (rue du Curé)
Après Rethinking Nature en 2021 et Rethinking Identity en 2023, le cycle Rethinking se poursuit en 2025, dans le cadre de la dixième édition du Mois européen de la photographie au Luxembourg, avec le thème et titre générique : Rethinking Photography. Ce troisième chapitre de la trilogie marque une nouvelle étape dans la réflexion sur le médium, son sens et son essence en tant que photographie, en prenant pour point de départ les questionnements des éditions précédentes.
Ce renouveau de la pensée de l’image photographique, dans une société submergée, voire polluée, par des informations visuelles souvent douteuses, s’inscrit dans une logique de recherche artistique et d’engagement sociétal. Face aux "fake news" et aux dérives liées à l'utilisation de l'IA pour la création d'images, certains photographes développent de nouvelles stratégies de monstration et de circulation de l’image : soit en résistant aux technologies, soit en les réutilisant et les déconstruisant.
L’histoire de la photographie regorge de typologies et d’exemples questionnant la présence et l’absence. Toute photographie porte en elle une part importante de hors-champ, de hors-temps, de hors-espace. Aujourd’hui, avec l’explosion quotidienne des images, ces réflexions nourries par une anthropologie visuelle émergente permettent de révéler de nouvelles perceptions et d’explorer des réalités latentes, dissimulées, absentes ou invisibles à première vue.
À travers ses photographies et installations, l’artiste luxembourgeois Yann Annicchiarico explore des mondes qui semblent visuellement inaccessibles. En créant de nouveaux rapports à l’espace et à la temporalité, il défie l’échelle des choses et ouvre des perceptions sensibles inédites. En "photographiant" avec un scanner posé au sol, il rend visible le monde nocturne des insectes et fait resurgir des vies furtives, marginales par rapport au centralisme humain. L’image photographique devient ainsi à la fois la trace du visible et de l’invisible, de la présence et de l’absence.
Dans un autre registre, le travail multimédia de l’artiste belge Lucas Leffler. s’articule souvent autour des questions d’ontologie de l’image. Artiste plasticien et photographe, il revisite l’histoire de la photographie et ses techniques tout en interrogeant l’héritage industriel des grandes compagnies de production de matériel photographique telles qu’Agfa et Kodak. En créant ses propres émulsions photosensibles à partir de boues argentifères provenant de cours d’eau pollués, il aborde les questions écologiques liées à l’industrie de la photographie tout en repensant la pratique à l’ère numérique.
Par son appropriation et sa déformation des photographies d’archives, Paulo Simão pose, avec sa série Erased, les questions de l’absence/présence et du visible/invisible dans un contexte historique et politique. S’inspirant de l’œuvre de Robert Rauschenberg Erased De Kooning Drawing, il revisite un ensemble d’images issues des archives de la Bibliothèque du Congrès américain, représentant des monuments d'hommes importants ayant marqué l’histoire mais dont certains sont aujourd’hui contestés. À travers l’effacement des personnages, il met en lumière une "absence" historiquement chargée, tout en interrogeant les représentations du pouvoir, l’art public et le rôle de l’artiste aujourd’hui.
L’effacement prend une dimension plus destructrice dans la série Embers of Narratives (سرديات الجمر) de l’artiste germano-irakien Raisan Hameed, qui décline les différentes formes de destruction de façon abstraite dans un cycle initié par Risse et ZerStörung. À partir d’images de Google Street View de sa ville natale, Mossoul, il crée des formes en utilisant un outil thermographique qui rappelle des traces de flammes, évoquant les lieux de guerre de son enfance. Ce processus expérimental, réalisé manuellement, et l’impression thermale génèrent une surface noire abstraite, rendant l’image partiellement invisible. L’ensemble de l’œuvre de Hameed est une remise en question de la mémoire et de la narration visuelle.
La narration accompagnée de poésie visuelle est récurrente dans la pratique artistique conceptuelle de l’artiste luxembourgeois-portugais Marco Godinho. Dans certaines œuvres, il utilise la photographie lenticulaire pour créer un espace multidimensionnel où le spectateur, selon sa position, recrée de nouvelles images et active ainsi de nouvelles temporalités de la photographie.
Dans Blind Memory (The Eyes of the Tiger), un double portrait de Jorge Luis Borges à partir d’une photographie d’Edouardo Comesaña de 1969, il crée, toujours en collaboration avec le spectateur, un portrait inédit où la jonction des images révèle une forme obscure évoquant un troisième œil, l’œil du tigre – le tigre étant l’ultime représentation du temps pour Borges.
Une autre œuvre de Godinho, Time to (…), jouant sur les notions de visible et invisible, « nous invite à poursuivre l’expérience du déplacement physique et mental où absence et présence, distance et proximité, nous aide à traduire la valeur intime, collective, poétique, esthétique et politique d’une photographie ». Il l’explique ainsi : « Par l’intervention d’un geste inframince, des photographies de voyages et de recherches sont dissimulées dans une bibliothèque publique, pour se transformer en marques-pages, où chaque photographie sort du cadre de l’image pour devenir un repère temporel et spatial de mon processus créatif ».
Ce lien engagé avec le visiteur, dans le cas de Marco Godinho « à travers une expérience active avec le dispositif, pour découvrir, à chaque déclenchement, une nouvelle constellation de sens », se retrouve également sous d’autres formes dans toutes ces propositions qui interrogent chacune à sa manière les limites de l’image photographique, tout en ouvrant de nouvelles perspectives et visions.
Vernissage
Jeudi 24 avril 2025 à 18:00
Entrée libre et sans inscription
Visites guidée gratuite tous les samedis
26.04 à 15:00 (FR)
03.05 à 15:00 (EN)
10.05 à 15:00 (LU/DE)
17.05 à 15:00 (FR)
24.05 à 15:00 (EN)
31.05 à 15:00 (LU/DE)
07.06 à 15:00 (FR)
14.06 à 15:00 (EN)
21.06 à 15:00 (LU/DE)
Visite guidée curatoriale par Paul di Felice
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28.06.2025 à 15:00 (FR)
Entrée libre et sans inscription
Organisation : Cercle Cité et Café-Crème
Commissaire : Paul di Felice (Café-Crème)
Artistes : Yann Annicchiarico, Marco Godinho, Raisan Hameed, Lucas Leffler, Paulo Simão
Plus d'informations sur cerclecite.lu